Leyvraz, Louis

Louis Leyvraz, – 27 janvier 1880 *** Epoux de Anne Louise née Naegele *** Décédé à La Tour-de-Trême

Inhumation

Texte rédigé par Jean-Louis Gavin, 16.01.2011

 

(source : Réponse au recours de MM. Gavin et Breuchaud au sujet de l’inhumation de L. Leyvraz dans le cimetière de La Tour-de-Trême, Fribourg, Imprimerie L. Fragnière, 1880, 46 pages)

 

Louis Leyvraz était l’époux d’Anne-Louise Naegele, elle-même fille de Clément Naegele ; Anne-Louise était la sœur de Caroline qui épousa Jules Gavin ; Jules et Louis avaient donc épousé deux sœurs.

 

Louis Leyvraz était quincailler à La Tour-de-Trême, où il habitait au moment de son décès, survenu le mardi 27 janvier 1880.

 

Anne-Louise demanda immédiatement à la Commune de Bulle l’autorisation d’inhumer son époux au cimetière de Bulle, avec le motif qu’ils avaient habité longtemps à Bulle ; elle-même y était d’ailleurs née dans la maison de la pharmacie familiale. La Commune refusa, ne voulant pas créer un précédent.

 

C’est alors qu’intervint Jules Gavin, Président de la paroisse réformée de Bulle et environs.

 

La Tour-de-Trême avait depuis 1868, sur la route du Pasquier, un cimetière privé protestant, dans lequel trois personnes avaient déjà été enterrées. Jules Gavin refusa que son gendre y soit inhumé, « vu son état déplorable et indigne de tout respect humain ». Il fallait donc que Louis Leyvraz soit enterré dans le cimetière officiel de La Tour-de-Trême.

 

Mais la Commune était en tractation avec la paroisse catholique-romaine et avec le Conseil d’Etat ; elle avait, en 1877, défini un espace derrière la nouvelle église paroissiale, l’avait muni d’un mur de clôture et d’une allée centrale « gravelée ». Son intention était d’en vendre une part à la paroisse catholique qui y aurait son cimetière privé, le reste étant le cimetière public, dans lequel la place pour 20 tombes serait réservée aux réformés ; cela semblait bien suffisait à la Commune, qui avançait que les Leyvraz étaient la seule famille protestante de La Tour-de-Trême. Des bornes avaient été posées. Concrètement, les actes n’étaient pas passés ; les catholiques avaient cependant commencé à inhumer leurs morts à la ligne dans la surface qui devait leur être dévolue. Mais le Conseil d’Etat exige que la surface du cimetière privé catholique soit réduite au bénéfice de l’espace réservé aux protestants qui serait doublé. Jules Gavin qualifiait cet espace de « lambeau ».

 

Jules Gavin exige que son gendre soit enterré comme tout le monde, en ligne ; ce qui impliquait que ce serait dans le futur cimetière privé catholique ! Le 30 janvier, le Conseil d’Etat ordonne l’enterrement à la ligne, mais la Commune recourt. Les catholiques s’opposent aussi puisqu’il s’agit de leur cimetière privé. Et le Conseil communal demande l’inhumation dans le secteur public.

 

Le samedi 31 janvier, Jules Gavin fait creuser une tombe à la ligne. Le Conseil communal l’invite à placer provisoirement le corps de Leyvraz dans le cimetière public, jusqu’à décision du Conseil fédéral, auprès duquel recours avait été déposé par Gavin.

 

Pour arranger les choses, le Conseil d’Etat, en date du 1er février, revient sur sa première décision, au motif qu’il ignorait alors l’existence du cimetière privé du Pasquier. La Commune fait immédiatement creuser une tombe dans le cimetière public et combler celle du cimetière privé catholique. Gavin refuse cette nouvelle tombe. Il fait alors creuser, dans la plus parfaite illégalité, une troisième tombe dans le jardin de son beau-père Clément Naegele, à Bulle. L’inhumation y a lieu le même jour, dimanche 1er février !

 

Le 19 mars 1880, le Conseil fédéral prend sa décision : le nombre de protestants à La Tour-de-Trême est trop faible pour justifier la création d’un secteur protestant, la séparation du cimetière « apparaît bien plutôt comme une exclusion arbitraire de quelques individus, désignés d’après leur confession, exclusion qui est avec raison envisagée par les intéressés comme un acte vexatoire », « l’inhumation de Louis Leyvraz devra avoir lieu au cimetière commun, dans l’ordre habituel » ; c’est Jules Gavin qui a gagné !

 

Le 22 mars a donc lieu l’inhumation des « cadavres Leyvraz et Naegele », à la ligne. En effet, Caroline Naegele, épouse de Clément, était décédée entretemps, le 19 mars. Belle-mère et beau-fils se retrouvent donc côte à côte.

 

Mais ce n’est pas tout : dans sa protestation adressée au Conseil fédéral, dont il ne comprend pas la décision, le Conseil d’Etat écrit : « Mais il est arrivé un pasteur vaudois pour procéder à la cérémonie. Il ne s’est pas contenté de remplir son office : dans ce cimetière catholique jusqu’ici, qui restera en très-grande partie catholique, au milieu d’une population catholique et paisible il s’est répandu en paroles outrageantes contre toutes ses croyances et ses dogmes, contre la vierge, contre les saints, il s’est même attaché à outrager le patron de La Tour, St-Joseph ! »